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Gustave Toursier : "cet homme de cœur qui a fait la besogne écrasante d'un homme de fer"
26 décembre 2011

Inauguration du Musée du Rhône et des Pays Rhodaniens

Extrait de la biographie de Gustave Toursier, aux éditios Lacour-Ollé

 

MAI 1928 : INAUGURATION DU MUSÉE DU RHÔNE

Revenons à 1926. Nous avons vu que Monsieur Toursier voyait dans la disponibilité du Château de Tournon, récemment déchargé de sa fonction de prison, l'occasion rêvée de créer un point de ralliement pour tous les Rhodaniens : le Musée du Rhône et des Pays rhodaniens.

Ponts_de_Tournon

Le Château de Tournon

où sera installé le Musée

«Il prenait spécialement conseil auprès de Madame Fournier-Terrassier, à Tain, femme ingénieur et pourrait-on dire sans se tromper, qui avait un jugement magnifique.»

Madame Fournier-Terrassier était une femme cultivée, active, dans un monde où l'idée même du féminisme n'avait pas encore émergé. Elle était veuve. De mémoire familiale, son époux aurait été le patron de LA briqueterie, l'usine qui, entre voie ferrée et route de Romans, représentait alors le dynamisme industriel, et à laquelle on pardonnait bien volontiers les noires et salissantes fumées, tant elle participait à la prospérité de la ville. Cette usine fonctionne encore aujourd'hui sous le nom «Le Paniol®». La grande cheminée qui salissait les draps a heureusement disparu, la réputation de qualité des produit a perduré.
En réalité, c'est Madame Terrassier qui était la patronne, héritière de la famille qui, au XIXème siècle, avait créé cette usine spécialisée dans les produits réfractaires. Elle s'était marié avec Joseph Fournier, au début du siècle, et avait alors changé le nom de l'entreprise Terrassier en Fournier-Terrassier.
Monsieur Toursier avait une grande estime pour elle. Sans nul doute, la veuve lui rappelait Rosane, cet amour perdu, cette femme admirable qui, à ses côtés, avait su amener sa pierre aux Guides Pol.
Il est certain que Gustave Toursier en était amoureux, mais que, fidèle à Rosane, il n'aurait jamais fait le premier pas vers madame Fournier-Terrassier. Son ami Auguste Meffre l'y poussait pourtant, en termes parfois très crus. Homme du monde, et de fait plutôt à l'aise dans ce rôle d'amoureux transi, Monsieur Toursier se confiait à elle, et s'il ne parlait pas d'Amour, il lui parlait de ses projets, de ses rêves. «Et c'est dans une conversation qu'il eut avec elle que fut élaboré le projet du Musée.
Gustave Toursier la priait de s'en considérer comme l'auteur ; hommage fort naturel : ne lui resterait-il pas l'honneur de le créer ?» Mais aussi un cadeau discret de la part d'un amoureux plein de délicatesse.

«Faisant marcher de front les projets qu'il nourrissait pour en doter la future association Rhodanienne, il fit une visite à Monsieur Camille Arnaud, Maire de Tournon, qu'il n'eut aucune peine à convertir à l'idée (de) créer, au château de Tournon, propriété de la Ville, la vaste institution dont il rêvait : le Musée.

Donc, par surcroît à la préparation des manifestations de Lyon, Gustave Toursier mène de front son idée du Musée Rhodanien, à créer au château de Tournon. Il pense que ce musée doit devenir une institution Rhodanienne de tout premier ordre»

Il contacte Gabriel Faure, alors inspecteur général des beaux arts, qui, sceptique ou agacé, lui répond en décembre 1926, «L'idée du Musée est excellente, celle du Restaurant aussi. Mais je doute que vous trouviez les concours nécessaires. Songez que je n'ai pas pu faire enlever la baraque de l'octroi, devenue inutile, qui dépare complètement l'ensemble du château. Bon courage en tout cas. Si quelqu'un doit réussir ce n'est que vous».

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Monsieur Toursier n'est pas découragé par le pessimisme de Gabriel Faure.
«Pour faire restaurer le château, selon son idée, et en accord avec le Maire de Tournon, Monsieur Camille Arnaud, il entreprend des démarches auprès du Gouvernement, pour obtenir de lui qu'il fit, à ses frais, la restauration complète du Château : car il sera tout entier nécessaire pour assurer la possibilité de réaliser ce grand projet du Musée Rhodanien.» Il écrit à ses amis, à son député, au ministre de l'instruction publique et des beaux arts, à divers hommes politiques originaires de la Vallée du Rhône... «Il s'adresse à des parlementaires Rhodaniens, leur faisant part de la création de ce Musée et de la nécessité de restaurer le Château.

Monsieur Léon Perrier, (Tournonais), Ministre des Colonies, lui répond, le 17 juin 1927 : «Je reçois votre lettre. Je ferai tout mon possible pour aider à réaliser votre projet concernant la restauration du Château de Tournon». Gustave Toursier écrit à Monsieur Isidore Cuminal, Sénateur, Vice-président du Sénat, mais aussi compatriote et ami de jeunesse, de Serrières-sur-Rhône :
«Tu te dois, toi plus que quiconque, toi Serrierois et petit fils du grand Maître d'équipage du Rhône de l'époque héroïque de la Navigation, de m'aider à obtenir de l'Etat, la restauration complète du Château de Tournon, où nous créons le Musée du Rhône et des pays Rhodaniens et sa bibliothèque».

«Isidore Cuminal lui répond le 24 juin 1927 :
«Entièrement d'accord avec toi pour tout ce qui concerne le projet de classement et de restauration du Château de Tournon. Je vais en parler au ministre, en le priant de me compter an nombre de tous ceux qui désirent pour le Musée des Pays Rhodaniens et la Bibliothèque Rhodanienne un cadre digne d'eux».

Et Monsieur Edouard Herriot, Ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts, lui répond le 28 juin 1927 :
    «Vous avez bien voulu appeler mon attention sur la demande de classement complet et de restauration du Château de Tournon. J'ai l'honneur de vous faire connaître que votre intervention a été immédiatement signalée au service intéressé».

E_Herriot

Edouard Herriot

Et dès lors, Gustave Toursier commence à prospecter pour la création du Musée, en même temps qu'il mène son secrétariat général de l'UGR.
Ainsi, en 1927, il ne cesse de s'occuper de réaliser le Musée du Rhône et de l'Histoire des Pays Rhodaniens, pour lequel, depuis plusieurs mois déjà il fait un peu partout, en France et en Suisse, de la prospection, heureusement fructueuse.»
Créer un Musée, l'idée est séduisante mais où trouver les pièces à exposer ? La ville de Tournon dispose, depuis 1914, d'un fond de collection intéressant mais probablement insuffisant pour atteindre l'objectif fixé. Monsieur Toursier se démènera pour rassembler une collection digne de ce nom. Lui, le publiciste, l'éditeur de guides touristiques, sait ce qui fait venir le public. Cherchant à concilier l'attractivité de ce Musée et son caractère Rhodanien, il donne de ses bibelots personnels : en particulier une petite croix d'équipage bleue à laquelle son épouse disparue tenait beaucoup, et une huile d'Aimé Roux : «allégorie de la vigne». Il suscite des dons, et réussit à faire acquérir des pièces dignes du Musée du Rhône dont il rêve : maquettes des grands «vapeurs» qui ont parcouru le Rhône, tableaux, croix d'équipage, agrandissements photographiques de tous les lieux importants des pays Rhodaniens, du glacier de la Furka jusqu'à son delta, la Camargue, affiches publicitaires des grandes compagnies de navigation Rhodaniennes, documents historiques et techniques sur la vie et l'œuvre de Marc Seguin, éléments de la vie des Mariniers, documents sur la culture Rhodanienne, sur l'œuvre de Frédéric Mistral....

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Le Musée, bien à l'étroit dans la Chapelle du Château..

Le musée s'enrichira, dès l'année suivante, de quelques tableaux de maîtres, réalisés par les meilleurs lauréats du Salon Rhodanien des beaux arts et acquis par l'UGR.

Le 28 mars 1928, Monsieur Toursier provoque une réunion à la Mairie de Tournon, sous la présidence du Maire, Camille Arnaud. La décision dont il ne doutait guère, est prise officiellement : l'UGR créera son Musée, la Ville de Tournon mettra le Château à la disposition de ce musée. Dans un premier, temps, les collections seront exposées dans la chapelle du Château en attendant la restauration du Château. Un comité du Musée et de la bibliothèque est choisi, dont la composition est la suivante : Monsieur Camille Arnaud, Madame Fournier-Terrassier, Monsieur Toursier, Monsieur Hayo, secrétaire local, M. Scheffer, adjoint au Maire, M. André Gendre, M. Antoine Bozzini (élu tournonais), Messieurs Chaillot et Montagnon (architectes), Aimé Roux (artiste peintre), le Sénateur Serrièrois Isidore Cuminal, monsieur Paul Cuminal, de Sablons, Louis Edmond Favre, de Genève, le sculpteur Lyonnais Léopold Renard, monsieur d'Hotelans, directeur de la Compagnie Générale de Navigation, monsieur Vassi, de Vienne.


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L'accord se fait. Le Musée sera installé, comme on l'a dit, dans la chapelle du Château «assez vaste pour en faire un très digne début. Monsieur Toursier organise le Musée ; il a l'idée (propagande et parrainage) d'une grande cérémonie d'inauguration du Musée, qui serait renforcée par la remise du Drapeau des Pays Rhodaniens et de l'UGR, don de la Chambre de commerce de Lyon.»
La date de l'inauguration est arrêtée. «Gustave Toursier lance des invitations, à toutes les collectivités Rhodaniennes (villes, chambres de commerce et d'agriculture, Compagnies de chemin de Fer et de Navigation etc.) pour le 6 mai 1928.»

Après des mois de travail, le musée est effectivement inauguré le 6 mai 1928. On ne se contentera pas d'une cérémonie. En plus de l'inauguration, on lancera la cérémonie du Drapeau Rhodanien. Un Drapeau sera remis, à chaque fête du Rhône, à la nouvelle ville organisatrice par la ville précédente. Monsieur Toursier a donc passé commande auprès des soieries lyonnaise d'un drapeau dont il a proposé le symbolisme et la structure générale.

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«Vingt six collectivités officielles y sont représentées, dûment accréditées. Le Docteur Carle, président de l'UGR, préside les deux cérémonies.»
Dans l'esprit du Secrétaire général, il faut créer une nouvelle tradition susceptible de faire naître une émotion auprès des populations rhodaniennes. Alors, la ville de Tournon, première organisatrice, remettra le Drapeau à la ville de Lyon, et ainsi de suite tant que durera l'Amitié rhodanienne.
«La remise du Drapeau de l'UGR est faite par le Président de la Chambre de Commerce de Lyon, au Président de l'UGR, qui, pour la rétrospective, le remet au Maire de Tournon (au titre des fêtes de 1926) qui, à son tour, le remet aux deux adjoints du Maire de Lyon (pour celles de 1927), qui le remettront au Maire d'Avignon (où sont prévues les fêtes de 1928). Cérémonie émouvante, accompagnée de discours de circonstance de chacun des bénéficiaires, qui sont des serments de fidélité et de dévouement.

Et l'on inaugure ensuite le Musée, où chacun est surpris qu'en si peu de temps on ait pu ainsi le rendre si riche. Gustave Toursier avait préalablement demandé à son ami Berthet, relieur d'art, de lui confectionner le «Livre d'Or de l'UGR». Il y fit inscrire le Procès Verbal de l'inauguration du Musée. Tous les délégués mandatés le signèrent, officiellement, au nom de leur mandant.
Ce fut une véritable fête de l'Esprit et de la solidarité des Rhodaniens, qui se termina par un banquet de plus de cent cinquante convives, officiels et autres, qui eût lieu à Tain, au bord du Rhône même. On célébra l'Idée Rhodanienne, sans oublier Frédéric Mistral ni Marc Seguin.... ni le Rhône et tout ce qui est Rhodanien.»



Le seize mai 1928, la commission des sites et monuments du Touring Club de France visite le Musée et déclare «prendre aussi sous sa protection la restauration complète du château de Tournon»

«Le 17 août 1928, Gabriel Faure écrit à Gustave Toursier : «vous êtes une source intarissable d'idées. Je tiens à vous féliciter de tout cœur pour ce que vous avez réussi à réaliser avec des ressources restreintes.»
De son côté, Antoine Bozzini (celui qui avait écrit en 1925 : «si vous ne venez pas nous ne ferons rien») lui écrit : «J’apprécie les efforts que vous avez faits et les magnifiques résultats auxquels vous êtes arrivés et que tous les Tournonais applaudissent».

Suite dans la biographie de Gustave Toursier, aux éditions Lacour-Ollé.

ISBN : 978-2-7504-2724-5

 

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Commentaires
Gustave Toursier : "cet homme de cœur qui a fait la besogne écrasante d'un homme de fer"
  • Ayant à ma disposition les archives personnelles de Gustave Toursier, créateur de l'Union Générale des Rhôdaniens, du Musée du Rhône, des Fêtes du Rhône, des Congrès Rhodaniens, je souhaite faire connaître ce grand personnage, intéressant et désintéressé.
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